L’optimisation topologique champ très prometteur des sciences de l’ingénieur et des mathématiques, est un sujet déjà très largement exploré dans l’industrie. Son application aux champs de la construction pourrait, dans certains cas, constituer une véritable révolution dans le domaine de l’architecture. Nous nous intéresserons ici aux enjeux de ces méthodes.

Définition

L’optimisation topologique est une méthode mathématique qui permet, à partir d’un ensemble de données connues telles que des dimensions minimales et maximales, des contraintes, des limites, de concevoir une structure de manière optimale. On distingue l’optimisation de formes de l’optimisation topologique: la seconde s’affranchit de toute forme prédéfinie dans les calculs. Une plus grande liberté est laissée aux calculs pour déterminer le résultat le plus adapté. Il s’agit d’une approche purement mathématique, dans laquelle les différents paramètres sont représentés sous un ensemble de fonctions qu’il s’agit ensuite de résoudre de manière globale à l’aide d’outils informatiques. Une multitude d’outils apparaissent sur le marché.

On peut citer notamment des outils comme PareTOWorks, un plug-in gratuit développé par l’université du Wisconsin puis par la société SciArt Software pour le logiciel SOLIDWORKS, logiciel très répandu dans le monde du génie mécanique et civil.paretoworks

Ce petit plug-in, permet à son échelle de réaliser ce genre d’optimisations. Une vidéo de présentation du logiciel permet de se rendre compte de son fonctionnement relativement simple en 4 phases:

  1. Modélisation de la pièce à optimiser (c’est à dire définition des limites maximales de l’objet)
  2. Intégration des données au modèle (contraintes, efforts, etc…)
  3. Rendu de la pièce optimisée
  4. Fabrication
    paretoworks2

L’utilisation de l’optimisation topologique est grandissante dans l’industrie, notamment aérospatiale: on trouve des exemples très cités comme la fameuse aile d’avion développée par Boeing, dont la structure interne en apparence chaotique est en fait une réponse aux problèmes structurels précis. Il est intéressant de noter que dans ce cas, d’autre méthodes d’optimisation sont utilisées parallèlement: la forme générale de l’aile est le résultat d’approches plus globales liées non pas aux contraintes structurelles mais à l’aérodynamique du véhicule. C’est bien la structure interne de l’aile qui est optimisée.Aile optimisée

 

D’autres exemples peuvent être cités. la NASA a utilisé le même type d’approche dans ses recherches avec des résultats légèrement différents: en prenant en compte des contraintes initiales plus forte, elle a obtenu des résultats moins époustouflants du point de vue de la structure, mais beaucoup plus facilement fabricable.Aile optimisée2

Le problème de la manufacturability

 

Le problème lorsque l’on conçoit des formes largement non orthogonales, avec des variations très précises et continues d’épaisseurs, c’est la de la fabrication de la pièce. Plus on s’éloigne des dimensions standards, plus on oublie et on met de côté cette question de la concrétisation du design, et plus il devient ensuite difficile de le réaliser.

 

Ce problème de la complexité géométrique est néanmoins un problème qui peut se résoudre par les méthodes de fabrication moderne. On peut citer le cas de la fabrication additive numérique , qui regroupe l’ensemble des méthodes visant à agglomérer, déposer, empiler un matériau par diverses méthodes (fusion, frittage, séchage etc.) pour fabriquer la pièce, le tout à partir d’un modèle 3D. L’exemple le plus actuel et accessible de cette méthode est celui de l’impression 3D dite “FDM” (pour Fused Deposition Modeling), c’est à dire l’impression par dépôt de matériau fondu couche par couche, comme dans le cas des imprimantes 3D grands publics. De la même manière, le développement d’outils « CNC » (Computer Numerical Control) de découpe, de fraisage, de profilage robotisés ouvre également un large éventail de possibilités. Certains espaces aujourd’hui dans le monde se spécialise dans la fabrication industrielle, au moins pour le prototypage pour l’instant, par ces méthodes.

autodeskmaggle

L’industrie s’est déjà approprié ce genre de technologie: on trouve des entreprises spécialisées dans ce domaine, qui promettent à terme des méthodes de fabrication additive en métal ou autres polymères ultra performants. Le champ est aujourd’hui encore plutôt limité à des petites pièces ultra-complexes. Il n’existe pas encore de technologie permettant la fabrication fiable d’ailes d’avions entières ou par tronçons par impression numérique. Mais la fabrication de plusieurs petits éléments ensuite combinés entre eux peut déjà permettre l’utilisation de l’optimisation topologique (on conçoit par exemple que l’exemple de la NASA cité plus haut est aujourd’hui parfaitement réalisable.)

 

L’application au champ de la construction

 

Une étude publiée en 2017 d’une équipe de chercheurs franco-grecs s’intéresse à la possibilité même de mettre en avant cette technique dans le champ de l’architecture, et propose une approche mathématique adaptée prenant en compte les contraintes d’usages particulières. L’étude aborde le sujet depuis le champs des sciences informatiques. Il va de soit que ces méthodes ne seraient pour l’instant rentable que dans le cas de projets exceptionnels, notamment du fait du problème de la fabrication. Un mur en parpaings restera toujours moins cher qu’une structure métallique parfaitement optimisée et réalisée par des méthodes de fabrications numérique. Mais à l’heure de l’émergence de plus en plus rapide de nouvelles filières de fabrication numériques, de la raréfaction des matières premières, à l’heure où certains font de l’intervention minimales leur credo architectural, ce genre de démarche est intéressante à explorer. Sans oublier tout un volet esthétique qui pourrait être rendu possible par ces outils.

Cette application au champ de la construction relève pour le moment de l’idée en cours de développement, et attend toujours une réalisation en guise de “proof of concept”. Au vu des gains de performances, et donc d’économie dans le domaine de l’aérospatial, on conçoit aisément qu’une démocratisation de ces méthodes pourrait apporter beaucoup.
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Sources:

 

Articles Wikipédia permettant de définir les concepts principaux invoqués dans l’article

https://en.wikipedia.org/wiki/Topology_optimization

https://en.wikipedia.org/wiki/Shape_optimization

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fabrication_additive

 

-Dapogny, C., Faure, A., Michailidis, G. et al. Comput Mech (2017) 59: 933. Geometric constraints for shape and topology optimization in architectural design,

https://ljk.imag.fr/membres/Charles.Dapogny/publis/S&T_architecture_v5.pdf

 

-Niels Aage, Erik Andreassen, Boyan S. Lazarov, Ole Sigmund, Giga-voxel computational morphogenesis for structural design, Nature, volume 550, pages 84–86 (05 October 2017)

https://www.nature.com/articles/nature23911

 

Bret K. Stanford, et al. Optimal Topology of Aircraft Rib and Spar Structures under Aeroelastic Loads, Journal of Aircraft, Vol. 52, No. 4 (2015), pp. 1298-1311.

https://ntrs.nasa.gov/archive/nasa/casi.ntrs.nasa.gov/20140007307.pdf

 

Hod Lipson, Melba Kurman, Fabricated: The New World of 3D Printing, John Wiley & Sons Ed., 2013320 pages

https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=MpLXWHp-srIC&oi=fnd&pg=PA1&dq=boeing+3d+printing&ots=Z3c-uTO1-F&sig=F-JxHhL8YQWA2Y0Usxl83eDKdEU#v=onepage&q=boeing%203d%20printing&f=false

-Autodesk Build Space

http://www.autodeskbuildspace.com/equipment-list/

Une entreprise d’impression 3D et de fabrication numérique métallique

https://www.3diligent.com/