Lorsque l’on pense a l’architecture paramétrique ,ou du BIM,  il est aisé de penser que cette méthode se prête uniquement à la réalisation de projets grandioses aux formes complexes , construites en faisant fi du contexte géographique dans lequel ils s’inscrivent.

Or, lorsque l’on s’intéresse à la réhabilitation ce genre de pratique paraît très discutable puisque le principe même de la réhabilitation est de prendre en compte l’existant.
Réhabiliter signifie alors s’inscrire dans un cadre dont d’autres limites que celles cadastrales sont fixées.

En quoi la modélisation paramétrique peut elle s’inscrit dans un processus de réhabilitation?

Qu’est-ce que l’architecture Paramétrique? Réflexion sur son utilisation dans le cadre d’une réhabilitation

Selon l’architecte Français Arthur Mamou-Mani, l’architecture paramétrique c’est  dessiner un mouvement plutôt qu’une forme finie. Selon lui, c’est une révolution dans le domaine de l’architecture car les édifices peuvent être  conçus à partir de programmes mathématiques, logique. »le bâtiment se conçoit de lui-même  » à partir de paramètres qu’on intègre.
Un des objectifs des architectes utilisant l’architecture paramétrique est de pouvoir concevoir une architecture inspirée des formes présentes dans la nature. Formes la plupart du temps courbes.


Galaxia, le temple de Burning Man conçu par Arthur Mamou-Mani

Le travail dans l’existant nécessite une rigueur formelle qui semble impossible à conjuguer avec cette idée d’architecture organique.
Essayons tout de même de penser à un emploi de l’architecture paramétrique dans le cas d’une réhabilitation:

Si  la réhabilitation ne concerne que l’intérieur d’un bâtiment:

Nous pouvons  imaginer de définir dans les logiciels de conception paramétrique, que l’enveloppe extérieure d’un bâtiment existant soit une limite infranchissable.
Ce paramètre pourrait permettre de concevoir des aménagements spatiaux paramétriques dans des enveloppes existantes. Le problème de cette pratique serait que la jonction entre le neuf et l’ancien risquerait d’être inexistante, risquant de générer des espaces résiduels.

illustration du principe de conception paramétrique dans de l’ancien (Lucile BERNARD) 

 

reflexion sur l'architecture paramétrique: design intérieur, Lucile BERNARD

Et si le paramètre programmé était de ne pas aller au travers d’une enveloppe définie?
L ‘architecture paramétrique se développerait autour du bâtiment existant. Il faudrait prévoir des points d’appui réguliers à la façade afin que l’enveloppe puisse « s’accrocher » à  l’existant , par ailleurs, nous pourrions programmer l’emprise des ouvertures existantes afin que l’enveloppe que nous concevons n’obstrue pas les apports lumineux existants.

illustration du principe de  façadisme , Lucile BERNARD

reflexion sur l'architecture paramétrique et la réhabilitation, Lucile BERNARD

Nous pouvons considérer que l’architecture paramétrique puisse prendre en compte les dimensions de l’existant, néanmoins, puisque tout l’intérêt de la réhabilitation est de conserver au maximum l’existant, il faudrait supposer que les données introduites dans le programme pour définir l’existant correspondent uniquement à ce qui ne doit pas être modifié . Ces données seraient donc paramétrées après un diagnostic de l’existant et une définition des éléments à conserver .

L’utilisation de l’architecture paramétrique en réhabilitation semble donc limitée à un design intérieur ou a du façadisme si nous souhaitons conserver l’intégralité de l’enveloppe existante.

Imaginons maintenant que nous ne conservions que la structure d’un édifice .
Dans ce cas, nous pourrions définir des points d’appui précis sur lesquels la forme conçue paramétriquement viendrait s’appuyer.

conservation structurelle et liberté formelle,Lucile BERNARD

Réflexion sur l'architecture paramétrique et la réhabilitation, conservation structurelle et liberté formelle,Lucile BERNARD

Théoriquement, il serait donc tout à fait possible de travailler sur des bâtiments existant en utilisant de l’architecture paramétrique.
Cependant, nous l’avons vu, cette pratique nécessiterait de connaitre parfaitement les caractéristiques de l’édifice a réhabiliter.

 

 Comment acquérir des données sur l’existant ? Le relevé numérique

Le relevé numérique au service de l’architecture paramétrique? 

Dans l’inconscient collectif, travailler sur de l’existant demande plus de travail pour un architecte que s’il s’implante sur un site non bâti.
En réalité un site est toujours porteur d’une histoire qu’il faut étudier.  Néanmoins on peut penser que travailler dans un endroit qui ne comporte pas de construction est plus aisé que s’il faut prendre en compte des édifices, possiblement de styles variés … a harmoniser.

Historiquement, Afin de prendre en compte ce qui existe à l’endroit où l’on souhaite faire son projet, il est nécessaire de faire venir un géomètre, qui va définir les limites du terrain, sa topographie ; et si le site est battit, établir les plans, façades, coupes des édifices à partir d’outils relativement précis: mètre-lasers ou non.

Le problème de cette pratique, est que l’architecte reçoit des plans, souvent d’une précision relative, qui ne donnent aucune information sur l’état structurel de l’édifice ou encore la composition des murs.
L’architecte qui reçoit les données du géomètre doit donc compléter ce qui lui est  transmis avec différents diagnostiques: par exemple pathologique, ou thermique.

Aujourd’hui, le métier de géomètre est en train d’évoluer car des techniques  de relevé assistés par informatique se démocratisent, permettant un gain de temps et de précision: le scanner 3D et la photogrammétrie. Le scanner 3d ,dont la précision est de l’ordre du millimètre, permet de générer  le nuage de points de l’ensemble d’une maison en moins de 2 h . Lorsque faire un relevé a la main nécessiterait 3 jours de travail.

 

 

Qu’est-ce qu’un nuage de point , est qu’apporte-t’il par rapport à un relevé manuel?

Une fois généré par le scanner 3D,un nuage de points peut être inséré dans un logiciel de visualisation comme recap 360.Ce type de logiciel permet d’épurer les données obtenues ( puisque le scanner prend en compte les meubles, les personnes présentes sur le site lors du relevé).
De plus, ce logiciel permet de mesurer toutes les cotes dont on peut avoir besoin sans avoir a se rendre plus d’une fois  sur place. C’est donc un outil précieux puisqu’il permet de générer facilement des milliers de cotes, tandis qu’un géomètre se servant d’un mètre laser, ne peut mesurer que quelques points particuliers. Le scanner 3D est donc un outil Rapide, précis et exhaustif.

 

https://www.youtube.com/watch?v=FP7TRBHGuW4&t=72s

Possibilité de prendre des cotes a partir du nuage de points. https://www.youtube.com/watch?v=FP7TRBHGuW4&t=72s

 

D’autre part, un nuage de points permet d’établir une maquette 3D, extrêmement précise de l’édifice mesuré et de se promener virtuellement dedans, c’est le « google street view » des bâtiments.A propos de cette extrême précision, Monsieur Vaslin et Monsieur Griffet, respectivement Directeur Adjoint Technique chez DV Construction 2 et Chef de service Commercial chez DV Construction, évoquent que:

« s’il pouvait avoir un état des lieux du bâtiment existant conforme à la réalité, cela les intéresserait beaucoup car cela reviendrait moins cher que la démolition et la
reconstruction. Et c’est là que le scanner 3D est très utile » 

En effet, puisque l’une des grandes différences entre les édifices neufs est ancien est l’analyse de l’existant, potentiellement longue, et donc coûteuse;  l’un des enjeu de la décennie est de parvenir a établir des diagnostics rapidement afin de limiter le coût d’analyse et de pouvoir concurrencer les agences spécialisées dans  la construction neuve.
Les nuages de points,  s’ils sont effectués après curage de l’édifice (nettoyage des éléments non constructifs ) d’une précision et une rapidité inégalée permettre de créer des maquettes 3D permettant d’observer l’état structurel du bâtiment . ( affaissement, déformations..)

Quelles autres utilisations du relevé numérique :

Représentation des édifices a réhabiliter. Communication
L’un des enjeux de la réhabilitation est la communication de la démarche et du projet. En effet, les maîtres d’ouvrage pensent majoritairement avec leur porte-monnaie, or une réhabilitation coûte, dans l’imaginaire collectif, plus cher qu’une démolition/ construction neuve.
Pouvoir montrer les plus-values architecturales que constitue une réhabilitation est donc fondamental. 

Au-delà d’un point de vue purement économique, scanner des édifices  ou des villes ( comme Pompéi) avant leur destruction ou dégradation, permet d’entretenir la mémoire de ses lieux et de pouvoir les analyser sans avoir a se rendre sur place , et donc risquer d’endommager l’existant.

 

compléter et visualiser des parties manquantes sans moulage.
En archéologie et en art, lorsque l’on souhaitait faire des reproductions d’objets, il était jusqu’à présent nécessaire de faire des moulages en plâtre de l’objet. Technique pouvant s’avérer destructrice pour ce dernier. 
Depuis que le scanner laser existe, il est possible de reproduire des objets sans avoir a les toucher.
Au scan 3D s’ajoute alors l’impression 3D.

 

https://www.aniwaa.fr/museologie-archeologie-et-impression-3d/

Exemple de restauration grace a une impression 3D : les mains de la statue de bronze ont étés créés en Impression 3D https://www.aniwaa.fr/museologie-archeologie-et-impression-3d/

 

Le BIM et la réhabilitation :

Afin de développer l’intérêt que peut constituer l’utilisation du BIM en réhabilitation, nous nous sommes intéressés a un cas concret, la réhabilitation du tribunal administratif de Lille
qui a été lauréat du BIM d’argent lors de l’édition 2015 des BIM d’Or, dans la catégorie « Rénovation de bâtiment entre 5000 et 40 000 m². »

une présentation du projet a été établit par Jérôme LOYWICK, Direction technique, BOUYGUES BATIMENT NORD EST , afin d’expliquer la démarche qui a été mise en oeuvre.

Les points mis en avant lors de la présentation de Jerome Loydwick sont :

  • Précision du relevé: Établir une maquette numérique a partir de nuages de point permet d’établir une maquette 3D de l’existant extrêmement précise,
  • Établir une base commune : Travailler sur une maquette numérique permet à une équipe pluridisciplinaire de travailler sur un document unique.
  • Anticiper: Un gain d’argent et de temps
    • prévoir les points sensibles en amont: Superposer le travail des différents corps de métier pour prévoir les « clashs » ( les problèmes qui risquent d’arriver sur le chantier si des éléments se superposent )
    • Faciliter les entrevues avec les ABF son avis avant de faire le témoin de façade a échelle 1
  • Communiquer avec les entreprises : Identifier précisément sur le model 3D les éléments a démolir.
  • Une fois la maquette BIM créée, elle peut servir a la maintenance et a son exploitation après le chantier

 

En conclusion, il semble tout a fait possible de récolter des données précises sur un édifice et de pouvoir les intégrer dans Grass hopper,
Il faudrait faire un juste milieu entre architecture paramétrique (infinie) et BIM (très contraint) pour pouvoir envisager de travailler en réhabilitation.

 

 

Sources consultées:

http://www.artgp.fr/notre-histoire.html
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01179621/document  mémoire sur ce que peut changer le BIM ds la réhabilitation : réflexion sur le passage de la réalité a la modélisation.
https://www.youtube.com/watch?v=FP7TRBHGuW4
http://www.3dscannerindia.com/3d-scanners.html
http://yellowvision.fr/tout-comprendre-a-larchitecture-parametrique/
https://www.youtube.com/watch?v=ud4fBWqDdiA&t=2535s
https://www.aniwaa.fr/museologie-archeologie-et-impression-3d/
http://www.bouygues-batiment-nord-est.fr/references/tribunal-administratif-de-lille