Le Butterfly Pavillion siège sur l’île artificielle de Noor Island Park à Sharjah, Emirats Arabes Unis. Cette île, perdue au milieu du désert d’Arabie, sert de terrain d’expérience pour de nouveaux espaces urbains et paysagers. L’agence allemande 3DELUXE propose ainsi un projet mêlant technologie et nature, avec un travail profond sur la lumière et les expériences sensorielles.
Programme
Le pavillon peut être décomposé en 2 entités, d’une part une serre très polygonale de verre et de l’autre une couverture métallique qui offre un contraste par son organicité. C’est cette relation singulière entre les éléments, comme une frontière entre une folie paramétrique et un bâtiment de verre plus pragmatique, qui m’a motivé à choisir ce pavillon et l’étudier.
1/La serre
Le cœur du bâtiment consiste en une serre fermée de 230 m², principalement constituée de pans de verre qui lui donnent un aspect régulier et polygonal. Elle abrite un écosystème
artificiel, soit celui d’une forêt humide tropicale à 26°. Cela permet ainsi à plus de 500 espèces de papillons d’y vivre malgré le climat inhospitalier extérieur, et d’offrir aux visiteurs une expérience unique de contemplation et de découverte. Les parois de verre font ainsi office de membrane, séparant 2 biotopes fondamentalement différents.
Afin de reconstituer une atmosphère visuellement tropicale, plusieurs effets vont être mis en place. Tout d’abord, des volumes très organiques modelés en 3D vont être disposés au sol pour recréer symboliquement la dynamique d’un sol naturel. Ils sont réalisés en un matériau conçu par la société Krion, une association de plusieurs minéraux et de résine. Cette matière rassemble ainsi l’aspect de la pierre et la facilité de travail de la résine, qui peut être remodelée à souhait en la chauffant. Sa surface blanche et dorée reprend le motif floral de la couverture, emblème du bâtiment. Plusieurs ouvertures y sont créer afin d’y planter plusieurs variétés de plantes et fleurs tropicales.
Le plafond de la serre est percé d’ouvertures laissant apparaître la couverture métallique qui agit alors comme une canopée : les jeux d’ombres créés par les motifs floraux prennent donc place sur toutes les surfaces, et renforcent l’ambiance lumineuse que l’on pourrait expérimenter dans une forêt tropicale.
On trouve par conséquent une corrélation plus ou moins maîtrisée entre les mondes de l’artificiel et du naturel. Chaque élément tend à imiter la nature mais en voulant exprimer en même temps un aspect moderne et revisité. La frontière, et donc l’intention architecturale réelle, reste floue.
2/La couverture
Un voile métallique de grande portée vient couvrir la serre en sa totalité. D’une surface de plus de 800 m², il est ornementé de 4000 pétales de différentes tailles formant un motif floral récurrent.
Le design de ce voile biomorphique résulte d’un croisement entre architecture paramétrique moderne et l’ornement traditionnel arabe. Il est plus particulièrement inspiré du principe du moucharabieh, dispositif permettant de briser les rayons solaires tout en favorisant le passage du vent, une dynamique plus que favorable dans des climats très chauds voir désertiques : il s’agit de l’effet de cheminée, soit la tendance d’un fluide à s’élever en s’échauffant, et donc initier un mouvement. L’air chaud est donc chassé vers la toiture, tandis que l’air frais apporté par les étendues d’eau au sol refroidi les parois de la serre.
La couleur dorée ne tient pas du hasard, la peinture a été spécialement développée pour cet ouvrage. Elle devait en effet répondre à plusieurs contraintes : résister à la fois aux température élevées et à l’air marin, au rayons UV intenses et à la l’érosion engendrée par les tempêtes de sable. Il fallait également que sa couleur soit identique bien qu’appliquée sur différentes sur des aciers traités différemment et de l’aluminium.
La nuit, la tendance s’inverse. Les jeux d’ombres sont remplacés par une ambiance lumineuse apportée par des LED. Situées au centre de chaque motif de fleur, leur contrôle individuel permet de programmer des mouvement lumineux et patterns pouvant s »apparenter au mouvement d’un papillon.
Au delà de son aspect pratique, la couverture permet d’apporter une volumétrie élégante et hors du commun, qui se détache sur le paysage très régulier et rectiligne que propose l’urbanisme de tours local, tout en s’affranchissant de la forme polygonale de la serre.
Aspect constructif
La structure est constituée de poutres métalliques formant un quadrillage orthogonal de 200 mm d’épaisseur, auquel s’ajoute une diagonale. C’est à l’intersection de ces éléments que l’on va retrouver le motif de la fleur en feuilles de métal doré, lui même composé de 4 grands pétales, et 2 plus petits. L’ensemble repose sur 9 points d’appuis ainsi que 3 colonnes.
Ce plan va adopter différentes courbures dans les 3 dimensions, selon la forme désirée par les architectes afin d’envelopper la serre élégamment. Chaque fleur s’inscrit donc dans une « boîte 3D », dont les dimensions varient en même temps que la forme de la structure. Pour conserver l’unicité de la couverture, les motifs floraux s’adaptent également, ce qui engendrerait en théorie des pétales tous légèrement différents les uns des autres.
L’enjeu de la conception paramétrique a donc très probablement été, au delà de la recherche d’une forme esthétique et appropriée au programme, le sujet d’un grand travail de rationalisation. L’outil informatique a certainement permis de limiter le nombre de pétales différents en adaptant la structure sous-jacente, le tout de façon dynamique afin de s’apercevoir en temps réel des changements. Le choix se réduit ensuite à un compromis entre la forme générale et la complexité de réalisation de nombreux pétales différents.
La conception numérique a permis également de pré fabriquer chaque élément de la couverture, qui sont ensuite assemblés sur place. Ainsi malgré la complexité apparente de la structure, son assemblage reste simple et rapide.
Essai de modélisation
Etant donné de l’absence de données quant à la conception paramétrique, j’ai essayé de reconstituer par moi même la forme de la couverture métallique.
Après plusieurs tentatives j’arrive à comprendre la logique de la volumétrie : elle peut être tracée d’une seule ligne, qui se recoupe elle-même en 2 endroits. Cela forme ainsi 3 surfaces distinctes. Cependant, malgré de nombreux essais je n’ai pas les connaissances suffisantes sur Rhino pour générer ces surfaces.
Pour le motif floral, il est possible de le générer mathématiquement. Elle suit une équation polaire égale à p = a.sin.nθ. Ici n vaut 2/3 afin d’obtenir 4 pétales. De nombreuses autres équations sont disponibles sur le site MathCurve.
Dans Grasshopper, il est possible de générer ce motif d’après l’équation polaire directement.
Critique
Pour comprendre tout à fait ce bâtiment, il faut garder en tête qu’il a été réalisé aux Emirats Arabes Unis. Les critères économiques et environnementaux sont donc un peu en retrait, au profit d’un aspect esthétique et avant-gardiste. En tant que pavillon, son objectif n’est pas nécessairement d’abriter une biosphère ou encore de l’exposer au public, mais plutôt de montrer que c’est possible, et que les maîtres d’ouvrage ont les moyens de faire appel à des techniques avancées telles que la conception paramétrique.
Malgré une forte communication de ce projet dans de nombreux articles et revues, seul l’état final compte. Énormément de photos circulent, mais les dessins d’architecte sont difficile à trouver, les détails techniques quasiment impossible, et absolument aucune information quant à la conception. Il est difficile de savoir si ce manque d’informations est volontaire ou non, mais il faut pour le moment se contenter de nombreuses suppositions.